Malgré les nombreux départs, peut-on être confiant dans l'avenir de Blizzard ?

Pourquoi les développeurs quittent-ils Blizzard ?
JudgeHype | 24/05/2021 à 13h11 - 31

Ces dernières années, plusieurs piliers des équipes de Blizzard ont quitté la société. De Mike Morhaime à Franck Pearce en passant par des gens comme Russel Brower, Michael Chu, Chris Metzen, Dave Kosak, David Kim, Kim Phan ou encore Ben Brode, il s'agissait de personnalités connues par de nombreux joueurs. Jeff Kaplan, mythique développeur de WoW puis d'Overwatch, a lui aussi tiré sa révérence. Pour certain, c'était le dernier des mohicans. Sa présence imposait un certain respect et les joueurs avaient confiance en lui. Maintenant qu'il est parti, Blizzard est à la croisée des chemins et doit prouver que son savoir-faire est, pour sa part, toujours bien présent dans les murs d'Irvine.

Le début des années 2000 fut fantastique pour Blizzard. Diablo II remporta un succès colossal, lequel fut suivi par un Warcraft III dont les éloges ne se tarissent toujours pas. En 2004, World of Warcraft révolutionna le monde des MMORPG. Ce succès, sans précédent, changea pour toujours la société.

Les années 2010 furent un peu particulières. Si Diablo 3 s'est vendu par dizaines de millions, toujours le monde a encore en tête un lancement mitigé plombé par l'hôtel des ventes en argent réel. StarCraft 2 fut bien accueilli et Hearthstone est venu pour sa part souffler un vent d'air frais là où personne n'attendait Blizzard. Conçu avec une petite équipe, le jeu de cartes en ligne devint du jour au lendemain l'un des projets les plus importants de la société, atteignant un seuil de rentabilité incroyable. 

Si Heroes of the Storm ne rencontra jamais le succès espéré, les bons jours revinrent avec Overwatch. Bâti sur les cendres du projet Titan, le FPS remporta un succès immédiat, atteignant les 25 millions de joueurs plus rapidement qu'aucun autre jeu de Blizzard avant lui. 


Des employés qui font partie des murs

L'histoire de Blizzard est riche en succès et on pourrait aussi aborder d'un côté le Lore de ses franchises, mais aussi des services comme Battle.net ou l'Overwatch League. Tout cela fait que chez Blizzard, de nombreux employés sont de véritables fans. Ion Hazzikostas, Directeur de jeu sur WoW, était d'ailleurs chef d'une guilde Hardcore sur WoW et dirigeait un fan site. Wyatt Cheng, pour sa part, a grandi en jouant à The Lost Vikings et a postulé 4 fois avant d'être engagé part Blizzard North dans les années 90.

Les employés de Blizzard restent là pendant de longues années, voire des décennies, ce qui est relativement rare dans l'industrie vidéoludique. Pour certains d'entre-eux, fouler le sol du campus d'Irvine et participer à l'élaboration des univers de Warcraft, Diablo, StarCraft et plus récemment Overwatch était un rêve et les vétérans de la société participaient à cette culture de l'innovation et de la qualité.

Cependant, ces dernières années, la machine a commencé à s'enrayer. Ouvrir la BlizzCon 2018 avec Diablo Immortal n'était pas l'idée du siècle. Les joueurs voulaient Diablo 4, voire Diablo 2 Remastered, sans compter que le jeu était développer en bonne partie en Chine, chez NetEase, ce qui a été considéré comme un mauvais choix par la communauté. Pourtant, le travail sur Diablo 2 Remastered avait déjà commencé, avec une sortie prévue en juin 2020, mais une partie de l'équipe a dû partir sur Warcraft III : Reforged après la dissolution de l'équipe de développement et la fusion avec Vicarious Visions.

Heureusement, les choses se sont mieux passées l'année suivante. Avec la BlizzCon 2019, les fans ont à nouveau eu des raisons de s'émerveiller avec Diablo 4 et Overwatch 2. En 2020, la sortie de Shadowlands fut un succès pour WoW, faisant grimper les revenus de la société. Cependant, ce chiffre d'affaires plus que correct est à relativiser car même si chaque joueur rapporte plus d'argent qu'avant à Blizzard, la société perd des joueurs depuis plusieurs années, chutant même à 27 millions au premier trimestre 2021, soit le nombre le plus bas depuis plus de cinq ans.


Travailler chez Blizzard fait-il encore rêver ?

Certains analystes estiment cependant que Blizzard va bientôt sortir de cette longue période de transition interne. De nombreuses choses ont changé, à tous les niveaux, et Blizzard a pris le temps de repositionner ses différentes propriétés intellectuelles. Or, perdre des joueurs en période de transition est normal, et l'année 2022 pourrait bien être celle du renouveau.

Mais entre-temps, les employés de Blizzard ont ressenti l’impact d’une diminution de la participation aux bénéfices, un bonus appliqué deux fois par an selon les objectifs de Blizzard et les performances individuelles des employés. Or, depuis 2018, les choses se passent moins bien. Les sorties de jeu sont rares et si au début les employés étaient compréhensifs, ils ont fini par en avoir un peu marre d'attendre des jours meilleurs.

Les équipes du département Incubation devait par ailleurs palier à ce manque de sorties majeures. Ces équipes étaient libres de développer des idées un peu folles et de partir dans toutes les directions. Mais à l'heure actuelle, peu de choses sont sorties de ce département et deux jeux au moins ont été annulés, à savoir un FPS StarCraft et un jeu mobile expérimental. L'équipe en charge du FPS StarCraft fut d'ailleurs très étonné de la décision du conseil d'administration, et il est probable que cela ait conduit Dustin Browder, après 14 ans passés au sein de Blizzard, à quitter Irvine et fonder Moonshot Games.

Le nombre de studios lancés par d'anciens employés de Blizzard a augment ces dernières années. On pense par exemple à Second Dinner, fondé par Ben Brode en 2018, mais aussi à Lightforge Games ou encore Secret Door, mené à Chris Sigaty, Alan Dabiri et Eric Dodds.

Tous ces départs n'ont pas été sans conséquences et des sources internes font état de certains bouleversements au sein des équipes. Habituées à une certaine stabilité à long terme, elles se sont retrouvées à voir partir de nombreux éléments-clés de Blizzard. 

"J'ai l'impression de recevoir chaque jour un e-mail de départ de la part de personnes que je connais. Par exemple, j'ai l'impression que les gens partent constamment maintenant. Beaucoup de mes amis sont partis et il y a eu des fermetures d'équipes au fil du temps."

Un employé de Blizzard sous couvert d'anonymat


Chez Blizzard, on se défend en signalant que les jeux sont l'oeuvre d'une équipe et non pas de Ben Brode ou Jeff Kaplan. C'est vrai, mais cela érode aussi la confiance des joueurs envers Blizzard. Les fans se sentent tout à coup plus proche d'une société nouvellement créée car elle est l'oeuvre d'anciennes personnalités, et attendent avec impatience l'annonce de leurs projets. Et bien entendu, les Chris Metzen et autres Mike Morhaime profitent de leur notoriété pour attirer investisseurs et fans. Autre exemple avec Tom Morten, CEO de Frost Giant. Ancien directeur de production de StarCraft 2, il a annoncé le lancement de son studio le même jour que lorsque Blizzard a annoncé le passage de SC2 en mode maintenance, tout en voulant proposer un successeur spirituel au RTS.

Pourquoi les développeurs quittent-ils Blizzard ? Il semblerait que l'une des principales raisons soient la volonté de revenir dans des équipes plus petites et intimes. Il est vrai que Blizzard est progressivement devenu un mastodonte du jeu vidéo, bénéficiant d'employés spécialisés dans tous les domaines, des réseaux sociaux aux RTS en passant par l'eSport. Ce qui est intéressant, c'est que les gens qui sont partis n'ont pas rejoindre de grosses boîtes pour faire le prochain Assassin's Creed. Ils ont décidé de chercher un esprit plus familial, tel qu'il était présent chez Blizzard pendant très longtemps.


Une évolution difficile pour des jours meilleurs ?

Tout mastodonte qu'il est, Blizzard n'est cependant pas aussi gros que ça. Chez Activision, le département Blizzard est même le petit poucet à l'heure actuelle. Cela explique peut être la pression dont ont fait l'objet certains employés et les nombreux départs qui ont eu lieu depuis 2016. En 2018, nous avons assisté au départ de Mike Morhaime et à la volonté de Blizzard de baisser la voilure sur Heroes of the Storm, tant en terme de contenu que d'eSport. Une source interne à la société explique que c'est à partir de là que Blizzard a commencé à être plus attentif à ses dépenses. Comme l'indique Kotaku, Blizzard a longtemps été un lieu où les dépenses se faisaient sans compter. Mais ce n'est plus le cas à présent et les baisses de coûts sont fréquentes. Ce changement de philosophie est intervenu suite au départ de Mike Morhaime et à la prise de pouvoir de J.Allen Brack, ancien directeur de WoW et ajourd'hui CEO.

En 2019, les choses ont empiré avec l'annonce du licenciement de 800 employés en février. La raison évoquée était le surplus d'employés dans certains départements par rapport aux sorties de jeu prévues. De nombreux départs ont été constatés dans les équipes communautaires et dédiées à l'eSport. Par la suite, nous avons eu droit au scandale Blitzchung. En fin d'année, des rumeurs ont fait état d'énormes problèmes pour Warcraft 3 Reforged. Les développeurs de plusieurs équipes ont dû travailler d'arrache-pied afin de sortir quelque chose de jouable en janvier 2020. Après la sortie, les joueurs se sont plaints de l'état du jeu et Blizzard n'a pas hésité à dissoudre l'équipe de développement de Reforged.

Ces mauvaises nouvelles n'ont pas manqué de trouver un coupable tout désigné : Activision. Les joueurs ont estimé que l'influence de Robert Kotick est devenue progressivement plus importante au fil des ans, au point que pas mal d'employés pensent aujourd'hui la même chose. Mais Blizzard continue également de chérir ce que l'on pourrait appeler son indépendance éditoriale, au point que même parler d'argent est activement découragé dans certains domaines. Une sorte de pare-feu a été construit autour des principales équipes de développement de jeux, tous les efforts étant déployés pour protéger la culture de développement interne de Blizzard. Lorsque les licenciements ont eu lieu en 2019, les développeurs en sont sortis relativement indemnes.

Aaron Keller, aujourd'hui directeur d'Overwatch 2, estime pour sa part que la présence d'Activision est très fortement exagérée : "Je ne me rappelle pas d'une seule fois où Activision est intervenu en demandant de changer une décision à propos d'un de nos jeux". Selon lui, Activision a une entière confiance dans les développeurs qu'ils ont embauché et leur laissent prendre toutes les décisions qu'ils estiment nécessaires.

Cette volonté de ne pas toucher aux équipes de développement a forcément mis la pression sur les autres départements. Ce fut le cas de l'Assistance clientèle, avec la refonte des processus internes, devenus plus stricts depuis 2018 avec la consolidation des ressources humaines. 

L'eSports a également pris très cher ces derniers temps, notamment à cause de la pandémie de Covid-19 qui a obligé à mettre de côté de très nombreux événements live. En mars dernier, ce sont pas moins de 150 employés des départements eSports qui ont été remerciés, sans compter les contrats qui n'ont pas été renouvelés.

Cependant, ces licenciements semblent tout de même avoir eu un impact sur les développeurs. IGN annonce avoir entendu que suite à l'affaiblissement des équipes communautaires et eSports, les développeurs doivent parfois mettre la main à la pâte en donnant un coup de pouce pour les événements ou pour écrire les patch notes. D'une manière ou d'une autre, tout le monde a été victime de la réduction des coûts chez Blizzard.


L'ogre Activision en ligne de mire

Certains événements ont aussi donné le sentiment aux employés de Blizzard de ne pas avoir leur destinée en main. En mars 2021, Activision Blizzard a annoncé l'arrivée de Brian Bulatao en tant que Chief Administrative Officer. Dans un mémo interne obtenu par IGN, le CEO Bobby Kotick a félicité Bulatao pour son expérience au sein du gouvernement et son service militaire. Mais des conversations sur le Slack de Blizzard et ailleurs révèlent que l'embauche de Bulatao a suscité une controverse considérable, les employés remettant en question la sagesse d'embaucher un ancien responsable de l'administration Trump, autrefois décrit comme un intimidateur. Blizzard étant plus petit qu'Activision et King, plusieurs employés ont peur de devoir se soumettre à d'autres règles que celles qui sont en place depuis une éternité.

Une source interne estime que les grandes entreprises fonctionnent de façon très simple. Si vous leur rapportez de l'argent, vous définissez les règles. Or, Blizzard ne rapporte pas tant que ça. Les équipes de Call of Duty rapportent cet argent et peut donc faire ce qu'elles veulent. Donc à moins que Blizzard commence à réellement fournir du cash, la source estime que les choses continueront d'évoluer comme elles le font ces dernières années.

Début 2021, l'ambiance chez Blizzard s'est quelque peu améliorée. À la fin de l'année 2020, des développeurs d'Overwatch 2 ont dû aider ceux de WoW à sortir Shadowlands. Mais malgré ces changements de dernière minute, l'extension a été un succès. Cela a motivé les employés qui se sont mis à espérer recevoir leur participation aux profits, qui devait être payée en mars.

Cependant, lorsque le 5 mars est arrivé, Blizzard a annoncé que les employés recevraient environ 50% de leur objectif attendu en fonction de leurs performances. Dans un e-mail aux employés obtenu par IGN, Brack a attribué la réduction des bénéfices au second semestre 2020. Brack a promis que des temps meilleurs étaient à venir, indiquant Diablo 4, Overwatch 2 et d'autres projets non-annoncés comme de multiples raisons d'être optimiste.

« Si nous tenons notre liste de projets, nous nous attendons à ce que 2021 et 2022 soient de bonnes années pour Blizzard », a écrit Brack un mois et demi avant le départ de Kaplan. Le salaire est un sujet très tendu chez Blizzard, plusieurs changements ayant été effectué à ce sujet ces dernières années.

À l'heure actuelle, et si mon met de côté le succès de WoW Classic, Blizzard encaisse les coups et attend des jours meilleurs qui ne pourraient arriver qu'avec la sortie de Diablo 4 et Overwatch 2, qui offriront sans doute deux balles années à Blizzard. Quant à Diablo Immortal, certains analystes pensent que le succès peut dépasser celui de Call of Duty Mobile, surtout en Asie où les jeu comme Diablo ont tendance à être plus populaires que les FPS. Or, de nombreux ARPG ont été lancés avec succès en Asie, mais aucun n'avait le cachet d'un Diablo.

Ces cinq dernières années, Blizzard a jonglé avec les départs et plusieurs réorganisations, les adieux de Jeff Kaplan étant en sort le point culminant de ce cycle. 

Terminons avec les propos d'Ion Hazzikostas, qui se veut pour sa part plus optimiste.

Je pense que Blizzard a de longs cycles de développement. Les jeux que nous créons ne sont pas des jeux qui sont produits rapidement en un an ou deux. Les gens ont vu ce qui se passe avec Diablo 4, avec Overwatch 2, et sont incroyablement enthousiasmés par ces deux jeux. [...] Nous avons d'autres projets en préparation et je pense que les gens du monde entier verront d'ici peu ce que nous sommes en train de faire, et j'ai hâte de partager cela avec eux.

Cet article est en grande partie basé sur les informations dévoilées par IGN.

Source : IGN
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